mardi, 11 juin 1918

Promotion à reculons

 

Hier soir, le général Buat, commandant du 17e corps d’armée, a appris qu’il était nommé commandant de la 5e armée.

Cette promotion ne l’enthousiasme pas.

 

Il écrit dans son Journal :

« Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. La pensée d’arriver dans une armée en pleine période d’opérations, sans rien connaître, ni des gens, ni des choses, sans rien avoir vu du terrain où elle se meut, m’effraie. Au fond, je suis infiniment triste.

Le message téléphoné, chiffré, qui m’a été envoyé dans la nuit et que je trouve sur ma table ce matin, ne va pas non plus sans me donner des inquiétudes. J’y lis que je suis désigné pour commander « provisoirement » la 5e armée. Que signifie ce « provisoirement » ? Les postes de commandant d’armée ne sont pas de ceux où l’on prend des gens à l’essai pour les remercier ensuite si l’on trouve l’épreuve peu probante. Cela ne voudrait-il pas dire qu’on entend me donner la consécration du titre de commandant d’armée afin de m’installer, un peu plus tard, dans une autre fonction, disons dans un autre fauteuil car il ne pourrait s’agir que de remplacer le général Anthoine comme major général ? Cela, par exemple serait un mauvais coup ! ».

 

Edmond Buat voit juste. Appelé à la tête de la 5e armée, pour remplacer le général Micheler limogé après avoir failli lors de l’offensive ennemie, il n’y restera que jusqu’au 5 juillet quand il sera nommé major général auprès du commandant en chef des forces françaises, le général Pétain. Son désappointement n’est pas feint. Buat a déjà beaucoup fréquenté le ministère de l’Armée et le GQG et il a toujours préféré le commandement des hommes sur le terrain au service de ministres ou d’officiers supérieurs dans les bureaux.