vendredi, 14 août 1914

Premier train de blessés en gare de Nantes

Sous le titre : « Les fils de France », Le Populaire du 15 août raconte l’arrivée à Nantes, la veille, des premiers blessés français : « Nantes a reçu, vendredi matin, les premiers blessés français qui viennent de combattre avec héroïsme et patriotisme pour la défense du sol natal contre les Teutons barbares ; cette arrivée de nos braves soldats s’est accomplie au milieu du recueillement ému de la foule massée aux abords de la gare d’Orléans. »

Il est interdit à la population, et même aux journalistes, de pénétrer dans la cour de départ de la gare et de parler aux blessés.

A 11 h 43, les autorités militaires et civiles ainsi que des médecins arrivent : « Alors, vers ces wagons décorés de branchages de laurier, les autorités s’avancent et, tête nue, aident nos valeureux fils de France à descendre. »

Le journaliste décrit ensuite les blessés qui : « La plupart, peuvent marcher sans appui et ne portent heureusement que des blessures plus douloureuses que graves. » Après avoir ainsi rassuré le lecteur le journaliste, bravant l’interdiction de parler aux blessés, rapporte : « Nous avons pu savoir par quelques-uns des blessés que le moral de nos troupes reste excellent et que l’entrain est admirable. Il n’en est pas ainsi du côté de l’ennemi paraît-il.  ‘Les Allemands, nous a déclaré un fantassin, sont lourds au feu, ils se battent à contre-cœur et redoutent, par-dessus tout, nos charges à la baïonnette. Or vous savez, ajoute-t-il, avec une légère fierté, nous sommes un peu là quand il faut combattre à l’arme blanche. Ce que nous allons leur en f.. une tripotée, je ne vous dis que ça. Vous allez voir.’ »

Le journaliste, après avoir célébré l’héroïsme des Français et la lâcheté des Allemands conclut son reportage patriotique sur le départ des voitures emportant les blessés vers les hôpitaux tandis que : « La foule, jusque-là silencieuse, donnait libre cours à ses sentiments patriotiques, en faisant une chaude ovation aux petits soldats en qui la Nation Française a mis si justement tout son espoir. »

 

Maurice Digo, Nantais de 22 ans, est venu lui aussi à la gare. Dans son « Carnet » il utilise un ton bien différent : « Trains de blessés – On ne semble pas  s’étonner qu’il y en ait tant. Secrètement je m’en effraie. J’ai tenté, à maintes reprises, de les approcher, mais on les entoure d’une garde sévère. Il est vrai que ces pauvres bougres ont besoin de ménagements. Les personnes qui ont pu leur parler n’ont du reste rien appris. On dit qu’il leur est interdit sous les peines les plus graves de donner le moindre détail sur ce qu’ils ont vu et fait. Dans notre entourage il y a déjà de nombreux morts et blessés. On voudrait savoir ce qui se passe. »