dimanche, 5 mars 1916

Le temps de l’angoisse

L’angoisse qui ronge le général Guillaumat, engagé sur le front de Verdun (chronique d’hier), gagne les civils, y compris ceux qui font métier de la combattre.

 

Dans son éditorial de ce jour, Gaston Veil (Le Populaire), s’épanche :

 

« Nous passons par toutes les émotions, nous sommes ballotés en sens inverse, et parfois nous sommes laissés en suspens… Vendredi on nous annonce que les Allemands ont occupé Douaumont mais que les Français se maintiennent à l’entrée du village. Rien n’est perdu puisque la bataille continue. Samedi nous attendons le communiqué de 3 heures qui doit nous donner la suite des événements. Il arrive, mais il ne dit rien. Déception. Bon ou mauvais, on voudrait savoir quelque chose… »

 

Après Douaumont, c’est le village de Règneville, puis le bois des Corbeaux et le village de Fresnes qui tombent aux mains de l’ennemi. Chaque fois le communiqué officiel annonce la contre-attaque. Mais le communiqué suivant reste muet. Aveu d’échec ?

 

Maurice Schwob partage la même angoisse, bien qu’il s’en défende. Il intitule son éditorial du Phare : « Les raisons de la confiance ». Mais cette confiance il la justifie d’une bien étrange façon : « Des opérations comme celles [menées par les Allemands] autour de Verdun, même si elles réussissent, ne conduisent nulle part : une série de positions derrière la Meuse, resteraient à prendre successivement, et il faut bien qu’il y ait une limite au sacrifice de 150 000 hommes pour tous les six kilomètres que l’on gagne. »

 

Indubitablement, à Verdun, chaque jour, les Allemands gagnent du terrain.