lundi, 11 novembre 1918

L’armistice est signé

« L’armistice est signé – On les a ! » titre Le Phare aujourd’hui.

« La matinée avait été grise ; un froid brouillard régnait… Et puis voici que tout à coup – il était un peu plus de onze heures – la nouvelle éclata. Des placards, affiches dans les principales rues annoncèrent que l’armistice avait été signé le matin même… ». (Le Phare)

« La nouvelle fut connue dans les journaux à 11 h 30. En quelques instants, elle vola de bouche en bouche… En même temps, comme la Municipalité l’avait ordonné, les cloches des églises sonnèrent à toutes volées, suivies aussitôt de l’appel de sirènes dans toutes les industries…». (Le Populaire)

 

 

k 11 novemb

Le Populaire du 12 novembre

 

 

 

Instants mémorables dont témoignent les acteurs habituels de ces chroniques.

Nous leur donnons largement la parole en ce 11 novembre 1918.

 

 

Le 11 novembre du général Buat :

 

Au Grand Quartier Général, le général Buat écrit dans son Journal :

« Confirmation dans la matinée, de la signature de l’armistice. Grande joie partout… La lecture des conditions est effarante. La capitulation est absolue.

Dans quelques semaines, le GQG sera à Metz… Le geste a son symbole ; il devait être fait.

Je lance un télégramme accordant du champagne aux troupes, levant les punitions, ordonnant aussi de supprimer tous les postes de TSF, sauf ceux des grands états-majors, car les boches sont en révolution ; les Suisses aussi s’agitent terriblement ; tous lancent à travers les airs des radios plus ou moins incendiaires. Sans doute, des vainqueurs sont peu susceptibles de contamination, mais des précautions sont à prendre contre la folie du bolchevisme qui agite toute l’Europe orientale et centrale ».

 

Le 11 novembre de Georges Clemenceau :

 

Au Sénat, le Président du Conseil, après avoir fait lecture des conditions d’armistice s’adresse aux sénateurs :

« Messieurs de pareils documents sont des actes. Il n’y a rien à y ajouter…

J’ai dit [à la Chambre] au nom du peuple français, au nom du Parlement, au nom du gouvernement de la République française, de la France une et indivisible, comme disait nos pères : « Salut à l’Alsace et à la Lorraine enfin retrouvées. » J’ai dit que c’était l’œuvre de nos grands morts qui nous ont fait cette admirable journée. Grâces leur soient rendues : ni eux, ni leurs familles ne seront oubliés et, si cela est en mon pouvoir, il faudra qu’un jour de commémoration soit institué en leur honneur dans la République française.

Quant aux vivants, j’ai dit que nous attendions pour les regarder passer dans les cris, les larmes, les applaudissements enthousiastes sous l’arc triomphal et, enfin, j’ai ajouté que, par eux, la France retrouverait sa place dans le monde pour poursuivre sa course magnifique dans l’infini du progrès humain, autrefois soldat de Dieu, aujourd’hui soldat de l’humanité, toujours soldat de l’idéal ».

 

 

Le 11 novembre du général Guillaumat :

 

« C’est donc définitivement la date qu’il faudra accoler à celle du 2 août 1914, c’est la date qui restera celle de notre triomphe, à accueillir sans regrets ni arrière-pensées. Le premier sentiment, devant les événements si rapides, si décisifs, si foudroyants est bien celui que tu exprimes dans ta lettre du 7 : on est abruti, éberlué, comme les pauvres habitants que nous délivrons. Mais on se secoue, et on se réjouit, car nous avons le droit d’être fiers comme jamais un peuple ne l’a été, devant l’immensité du désastre d’en face. Peu importe que nous les écrasions nous-mêmes, ou qu’ils nous en épargnent la peine en se ravageant entre eux. J’ai peine à croire que sans son désordre intérieur, l’Allemagne eût accepté les conditions terribles mais indispensables que nous devions lui faire : il paraît qu’en les entendant, les parlementaires ont été terrifiés, aplatis ; ils n’ont cependant pas pipé, parce qu’ils savaient qu’ils étaient obligés de les accepter. Ce n’était pas un traité qu’on leur apportait, c’était un verdict… J’ai écrit un mot à Clemenceau. Je vais me coucher, bien heureux d’avoir vécu ces heures sur la terre de France ». (Lettre à son épouse)

 

 

Le 11 novembre des instituteurs nantais :

 

« Le 11 novembre, à midi, le canon tonne, les sirènes cornent, les cloches sonnent à toute volée ; dans le quartier chacun est sur son seuil, à sa fenêtre ; on se parle d’une maison à l’autre. Par tous les petits chemins, de tous les jardins, les gens accourent aux nouvelles. En un instant, la rue est noire de monde. C’est une foule joyeuse qui crie : « La guerre est finie, on ne travaille pas ». En effet, ouvriers et ouvrières, qui se rendaient à l’usine, tournent aussitôt le dos à l’atelier. Et ce fut cette admirable après-midi du 11 novembre où, la ville présenta une telle animation. Quel doux rayonnement dans les yeux, quelle joie sur tous les visages, comme on est heureux de vivre ! »

(Directrice de l’école de filles de la rue Ampère)

 

« A Nantes, la nouvelle de la signature de l’armistice fut annoncée à la population par la sonnerie des cloches de toutes les églises et aussi par la voix puissante des sirènes de tous les établissements industriels de la ville et des bateaux ancrés dans le port. Pendant une demi-heure ce fut comme un chant d’allégresse qui remplit tout l’espace pour célébrer la victoire de nos soldats. Tout aussitôt, et comme par enchantement, les fenêtres se garnirent de drapeaux français et alliés et les rues prirent un air de fête. Pour permettre à tous de se livrer à la joie, les chantiers et les magasins donnèrent congé pour l’après-midi à leurs ouvriers et employés. De bonne heure, les rues du centre de la ville se remplirent d’une foule en délire lançant à tous les échos les refrains patriotiques. Ce fut une journée de vente pour les camelots qui avaient eu la bonne idée de préparer de petits drapeaux et des cocardes tricolores.

Malgré la foule nombreuse qui circulait partout et qui par moments envahis les établissements publics, tout se passa dans l’ordre le plus parfait ; une seule pensée animait les esprits : se réjouir sagement du triomphe de nos troupes qui depuis plus de 4 ans luttaient pour la justice et le droit. Les réjouissances se continuèrent dans la soirée ; mais il n’était pas très tard quand la ville rentra dans le calme du temps de guerre, chacun ayant bien compris que la signature de l’armistice, ce n’était pas encore la paix ».

(Directeur de l’école de garçons du boulevard E. Orieux)

 

k 11 novembr

Drapeaux aux fenêtres place de la Bourse pour l’armistice (AMN)

 

Le 11 novembre de Maurice Digo à Nantes (il est en permission de convalescence) :

 

« Aux termes de l’armistice, les hostilités doivent cesser à 11 heures sur tous les fronts.

Cloches, canons, sirènes. Une frénésie de cris et de rires dans la ville que parcourent des bandes joyeuses comme un jour de carnaval.

Des millions de cadavres pourrissent sur des milliers d’hectares ravagés. Qu’importe ! Et qu’ils comptent peu déjà.

Quelques pères, quelques mères, quelques épouses tempéreront d’une larme cette explosion qu’on voudrait colère, qui n’est que détente.

Toute pudeur et ce qui reste de soi-disant barrières morales sont balayées dans cette formidable saoulerie de la Victoire.

Je pense à tous ceux que nous avons laissés, un à un sur les champs de bataille, aux camarades connus et inconnus qui moururent l’imprécation à la bouche, maudissant la guerre, qui ont payé de leur vie et paieront encore après leur mort (car quel riche fumier à exploiter maintenant) la répugnante satisfaction que leurs tortionnaires vont goûter à leur survivre.

Ecroulé dans un coin sombre. Ecœuré, révolté, désespéré, je laisse échapper d’un seul coup toutes les larmes si âprement contenues pendant ces quatre mortelles années ».

 

 

Le 11 novembre à Nantes vue par une élève de l’école E. Péhant

 

k 11 novembre

 

(AMN)