dimanche, 17 décembre 1916

La girouette

Bien qu’ayant fréquenté, comme lui, les bancs du Lycée de Nantes, Georges Clemenceau n’a guère de considération pour Aristide Briand.

 

Dans son journal « L’homme enchaîné », il étrille le Président du Conseil qui vient de former son 6e gouvernement.

 

« C’est une terrible chose – surtout en temps de guerre – d’être aux mains de réformateurs de réformes, dont les conceptions définitives sont provisoires de quinzaine en quinzaine, pour cause de fragilité…Il y a quelques jours, j’entendais M. Briand se plaindre que je ne consentisse pas à le tenir pour un homme d’action. Peut-être pourrais-je transiger. Homme d’action jamais. Homme d’actions, toujours, et d’actions si peu stables qu’elles se croisent, s’enchevêtrent et se détruisent au hasard des vents de la journée.

M. Briand, au fond, n’a qu’un tour en son sac. Son art est de le répéter indéfiniment. A tourner toujours sur lui-même comme les petits drapeaux de zinc qui surmontent nos pignons, il a gagné le droit d’accomplir des tours supplémentaires pendant quelques semaines. Et pour quel avantage de politique au vent ? La girouette qui croit qu’elle fait tourner la maison».