samedi, 8 février 1919

La dépravation s’accentue

Il y a quelques jours, le général Coutanceau, commandant la 11e Région, écrivait au commandant de la base américaine de Saint-Nazaire :

 

« Il m’est signalé que la dépravation va s’accentuant toujours dans les zones de Saint-Nazaire et de Nantes. Les différents comptes-rendus qui me sont faits à ce sujet considèrent qu’il faut absolument voir une des causes importantes de l’aggravation de ce mal dans l’interdiction des maisons de tolérance aux militaires américains. Cette interdiction les rendrait plus entreprenants dans le racolage des rues, les amènerait à des offres d’argent les plus tentantes, et cela durant une période troublée et difficile.

Il arriverait même, d’après un rapport du commissaire spécial de Saint-Nazaire, que des militaires américains seraient à ce point entreprenants d’adresser dans les rues leurs propositions à des femmes qu’ils ne connaîtraient pas par avance comme de mœurs plus ou moins légères et commettraient ainsi des impairs particulièrement regrettables… ».

 

Aujourd’hui le commandant américain répond qu’il n’est pas question de laisser ses soldats accéder aux maisons de tolérance et rappelle que « Le Provost Marshal organise des patrouilles spéciales d’accord avec la police française, dans le but de supprimer l’inconduite au sujet de laquelle vous vous plaignez justement ». Il feint d’ignorer que dans la seule ville de Saint-Nazaire plus de 300 cafés font office de maisons publiques clandestines et que sa police militaire, à la gâchette facile, crée parfois une ambiance de western dans certains quartiers.

 

La solde élevée des Sammies alimente bien des jalousies, entretient l’inflation, aggrave la « dépravation », provoque l’exaspération des populations locales.