samedi, 22 juin 1918

Faire accepter la pénurie (suite)

A plusieurs reprises dans nos chroniques nous avons évoqué l’intensification de la pénurie alimentaire et ses répercussions dans le domaine scolaire.

Au mois de juin l’inspecteur d’Académie adresse aux instituteurs la note suivante : « M. le Ministre de l’Instruction publique d’accord avec son collègue du Ravitaillement m’adresse sur la nécessité des restrictions un certain nombre de sujets de composition parmi lesquels je vous prie d’en choisir un ou deux que vous ferez traiter à vos élèves ».

 

 

On lira ci-dessous le travail du jeune André Bernier, de l’école de la rue du Moulin, sur le sujet suivant : « Le Ministre du Ravitaillement vous a privés de beaucoup de choses auxquelles vous teniez. Que lui diriez-vous si vous aviez l’occasion de causer avec lui ? »

 

« Si j’avais l’occasion de rencontrer le Ministre du Ravitaillement et de causer avec lui, je lui dirais : « Monsieur le Ministre, elles sont bien dures les restrictions que vous nous faites endurer ; depuis plusieurs mois, vous avez par ordre limité la consommation des choses et vous nous privez de sucre, de charbon, de gâteaux, de bonbons et de pain et même de viande.

A mon âge, les restrictions qui sont les plus désagréables sont celles du pain, de la pâtisserie, de la confiserie. J’ai 12 ans et j’ai bon appétit, je mange plus de deux cents grammes de pain par jour ; vous devez bien penser que ce n’est pas sans souffrir un peu que je me contente de la faible ration que vous me donnez. Vous pouvez être sûr aussi que je regrette de ne plus pouvoir, de temps en temps, entrer chez le pâtissier pour manger des friandises.

Ces restrictions plus ou moins importantes les unes que les autres me font bien souffrir. Cependant, Monsieur le Ministre, je ne me plains pas parce que je sais que les soldats qui sont au front sont plus malheureux que moi, qu’ils exposent chaque jour leur vie pour la France ; aussi je veux bien me priver un peu pour leur laisser le nécessaire.

Je ne me plains pas parce que je songe aux souffrances endurées par les familles qui ont dû quitter leurs pays envahis par les Allemands et parce que je songe aussi à nos pauvres prisonniers qui doivent être bien mal nourris ».

A.Bernier