mardi, 21 mars 1916

Censurer les censeurs

« Pour la première fois depuis le commencement de la guerre, j’ai dû interrompre ma causerie quotidienne avec vous, ami lecteur, parce que, pour la première fois depuis l’Empire, Le Phare de la Loire a vu sa publication suspendue » écrit Maurice Schwob ce jour.

 

Le 19 et le 20 mars, le gouvernement a interdit la parution du grand quotidien nantais. Sanction exceptionnelle, motivée par l’étrange initiative du directeur du Phare dans son éditorial du 18 mars.

 

La veille, des débats houleux ont animé la Chambre des députés à propos de la conduite des opérations militaires. Ces « intempérances de langage », comme écrit Maurice Schwob, posent la question du fonctionnement de la démocratie en temps de guerre. Faut-il, malgré la présence de l’ennemi sur notre sol, respecter les principes républicains ou limiter la liberté d’expression des élus du peuple ? Lui, a fait son choix : « Les séances presque quotidiennes, et un règlement fait pour assurer la liberté de la tribune en temps de paix, offrent, en temps de guerre, aux déséquilibrés et aux irresponsables, des tentations et des possibilités dangereuses, dont le pays finirait par être victime… Il ne faut pas que le chancelier prussien, pour rassurer son Reichstag… n’ait qu’à déposer sur la tribune allemande un discours tombé de la tribune française ».

 

Et Maurice Schwob propose à ses lecteurs de signer une pétition, en quatre points, qui vise à limiter l’expression des députés à la Chambre.

 

La censure, qui n’en demandait pas temps, lui cloua le bec pendant deux jours pour… atteinte à la liberté d’expression !