samedi, 14 juillet 1917

Au Passage Pommeraye « la cadence de la vie n’est pas la même qu’ailleurs ».

Guerre oblige, la Fête nationale se réduit à une journée de recueillement ponctuée par un modeste défilé militaire, ce qui mobilise peu de place dans les journaux locaux.

 

Ceux-ci d’ailleurs préfèrent croiser le fer à propos d’incidents survenus deux jours plus tôt dans le Passage Pommeraye. Comme tous les ans, les potaches nantais y ont proclamé, du haut des marches, les noms des candidats déclarés admissibles ou admis au baccalauréat. Etaient présents, selon Le Phare : « Les jeunes gens, élèves des établissements universitaires publics ou libres de notre ville. Cette jeunesse est turbulente, grossière et provocante ; elle traite les paisibles passants comme des intrus, crachant dessus, histoire de s’amuser, urinant sans vergogne dans les coins, chantant des refrains obscènes [passage censuré] Plus tard rue Santeuil les mêmes jeunes gens se livrèrent à une bataille en règle. Plus tard encore l’un d’eux frappait avec sa canne, au cri de : « Vive le roi ! » et en le traitant d’embusqué un passant, réformé de guerre après vingt huit mois de front… ».

 

Le journaliste estimant que le scandale n’a que trop duré s’en prend à l’inertie du maire de Nantes face à de tels débordements. Cette attaque, relayée par les journaux de la droite cléricale, a le don d’agacer Gaston Veil, directeur du Populaire, premier adjoint au maire de Nantes qui, il n’y a pas si longtemps, enseignait au Lycée de garçons.

Aujourd’hui, dans son journal, il réplique :

« Quelques confrères ont donné une certaines importances à des incidents plutôt ridicules… Nous ne nous attarderions point sur cette puérile manifestation, si des personnes malintentionnées ne s’avisaient d’insinuer que des élèves du Lycée en furent les artisans. Halte-là ! Si des cris inconvenants ont été poussés, ce sont ceux de « Vive le roi ! » et les élèves de notre grand établissement national universitaire sont trop patriotes pour se livrer à ce genre de manifestation… Il n’est pas malaisé de savoir à qui incombe la responsabilité de ces clameurs royalistes ».

 

Ces joutes ont un goût de déjà vu (se reporter à nos chroniques de février 1913). A Nantes la guerre entre cléricaux et laïcs, royalistes et républicains a commencé bien avant 1914 ; elle sera encore longue. Comme la Grande Guerre elle a ses batailles : à l’une le Chemin des Dames, à l’autre le Passage Pommeraye.