vendredi, 21 mars 1919

Adieu les cartes et les coupons

Malgré la fin de la guerre, la vie chère, les restrictions continuent, ce qui inspire quelques poètes du quotidien.

 

Jadis, lorsque c’était la guerre

Nous espérions tout de la paix :

Confiants, nous attendions l’ère

Prochaine de bonheur parfait.

Et nous acceptions sans murmure

Chaque nouvelle restriction,

Serrant d’un cran notre ceinture

Avec l’intime conviction

Que ce beau geste était l’augure

De notre victoire future.

 

Enfin, nous avons le succès !

Salut, Paix ! Sois la bienvenue :

Nous pourrons calmer les accès

De notre faim mal contenue.

Adieu les cartes et les coupons,

Les stations à l’épicerie !

Nous aurons bientôt le charbon,

Le sucre, la charcuterie

Dont nous fûmes longtemps privés.

Le jour de liesse est arrivé !

 

Hélas ! Tout cela n’est qu’un leurre.

Maintenant, il faut déchanter

Car nous n’avons pas plus de beurre,

De vin, de tabac, de café

Qu’aux jours angoissants de naguère.

Nous en accusons les transports,

Les gros profiteurs de guerre,

Les paysans !… Nous avons tort !

 

La raison en est plus logique :

Ce sont ces Messieurs nos gouvernants

Qui préparent en ce moment

Notre après-guerre économique.

« Les restrictions ont réussi

A nous apporter la victoire,

Se sont-ils dits. Il faut ainsi

Continuer, pour notre gloire.

Nous battions l’ennemi partout

Lorsque nous avions peu de chose ;

Donc, quand nous manquerons de tout

Nous le mettrons à jamais hors de cause ! »

 

Gaston Barthe, (dans Le Populaire du 21 mars 1919)