Commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale au lycée Clemenceau

 

Extrait de l’intervention de Jean-Louis Liters, président du Comité de l’Histoire, prononcée le 12 novembre 2013, dans la cour d’honneur du lycée, lors de la commémoration de l’armistice de novembre 1918

 

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Comme chaque année, depuis près d’un quart de siècle, le Comité de l’Histoire va déposer une gerbe de fleurs au pied de cette stèle, voulue et entretenue par l’Amicale des anciens élèves.

Pendant la minute de silence qui suivra, chacun honorera Georges Clemenceau dont le nom fut donné à notre établissement. Avant de devenir l’homme d’Etat que l’on sait, bien avant le Tigre et le Père la Victoire, il avait été un élève du Vieux Lycée, très critique à l’égard de ses maîtres. Mais le lycée ne lui en a pas voulu d’avoir prétendu ne rien avoir appris d’utile dans nos murs !

Dans le silence du recueillement, nous aurons une pensée pour tous ceux qui, aujourd’hui disparus, ont œuvré depuis plus de deux siècles au lycée de Nantes […]

La présente cérémonie, à moins d’un an du centième anniversaire de l’entrée de la France dans un conflit mondial qui concerna un nombre considérable de nations, fit des millions de morts et de blessés, civils et militaires, et laissa derrière lui des milliers de gueules cassées, prend cette année un sens tout particulier.

Clemenceau et Aristide Briand, à la tête des gouvernements, les généraux Guillaumat, Buat, Deligny et Anthoine à la tête des armées, tous anciens élèves du lycée, furent des acteurs notables du conflit. Mais, au-delà des chefs de guerre, les tables dans le parloir gardent la mémoire de près de 300 anciens élèves et membres du personnel morts pour la France. Il y eut aussi les blessés et les familles déchirées. Il y eut le lycée transformé en hôpital militaire. Il y eut tous ces anciens élèves qui nous ont laissé des discours, des articles de journaux, des romans, des correspondances, des poèmes, des dessins, inspirés par la Grande Guerre. Citons, par exemple, pour les écrits, Clemenceau lui-même, les écrivains Alphonse de Châteaubriant, Maurice Larrouy et Charles Le Goffic, le poète Albert-Paul Granier, Maurice Schwob, patron du Phare de la Loire, Jacques Vaché – bien sûr – et, pour les arts, Alexis de Broca, Emile Laboureur et bien d’autres.

Notre lycée se devait de ne pas rester à l’écart de la célébration du centième anniversaire de la Première Guerre mondiale. Aussi, le lycée et ses forces vives, le comité de l’histoire et l’amicale des anciens élèves ont pris l’initiative d’apporter leur pierre à l’édifice.

Quand on dit le lycée, il s’agira, n’en doutons pas, des deux établissements qui sont les héritiers du lycée de Nantes, à savoir le lycée Clemenceau et le lycée Jules Verne.

Entre histoire et mémoire, de 2013 à 2019, les membres des deux associations citées, les professeurs volontaires – de quelque discipline que ce soit, et pas seulement des historiens – seuls ou avec leurs élèves dans des actions pédagogiques, vont, avec les documentalistes et toutes les personnes intéressées, d’une part constituer le mémorial du lycée et d’autre part écrire l’histoire d’un lycée dans sa ville en temps de guerre.

Chacun est dorénavant invité à rechercher dans les archives familiales, photographies, correspondances et journaux intimes. Et appel est lancé à tremper sa plume dans les encriers de notre temps pour nourrir le blog et le magazine qui vont être créés à cette fin.

Le projet couvre, dans l’histoire du lycée, la période allant de l’année scolaire 1912-1913 à l’année scolaire 1918-1919.

Tous ensemble, nous lançons aujourd’hui de façon officielle cette manifestation, portant sur le lycée de Nantes de 1913 à 1919, dorénavant intitulée « 13-19 / Nos Ans Criés ».

Pour marquer ce lancement, une dizaine d’élèves de Première, option théâtre, et deux jeunes lycéennes allemandes, vont d’ici quelques minutes évoquer pour vous, au parloir, une Affaire du lycée vieille d’un siècle sur fond supposé d’antimilitarisme. En février 1913, une vive altercation opposa en effet, dans la cour d’honneur, les élèves de la préparation à Saint-Cyr à des élèves de Première et de Terminale, auteurs d’une revue littéraire de potaches, intitulée En route, mauvaise troupe.

Les années qui vont suivre seront jalonnées d’expositions et de publications, nourries des recherches des uns et des autres et notamment des travaux des lycéens et de leurs professeurs. Une fois encore, il sera bon de mettre en pratique le conseil de Clemenceau lancé aux élèves, assemblés dans cette cour le 27 mai 1922 lors de l’inauguration du monument aux morts : « retroussez résolument vos manches et faites votre destinée ».

Nous irons ainsi vers 2019 et les cent ans du décret du 4 février 1919 donnant le nom de Clemenceau au lycée.

Pour conclure, nous vous proposons que, cette année, la minute de silence soit observée en hommage à tous les gens du lycée de Nantes qui ont vécu douloureusement ce temps de la Grande Guerre qui fut en fait, pour toutes les nations, une boucherie sans nom.

Durant cet instant de recueillement, je penserai quant à moi à Charles Carcopino-Tusoli, frère de l’écrivain Francis Carco, reçu major en 1913 aux deux concours d’entrée à Polytechnique et à Normale sup, sous-lieutenant artilleur tué en juin 1916 ;  je penserai à l’élève Février dont nous ne savons presque rien si ce n’est que son prénom, Janvier, fait sourire et que, sergent dans l’infanterie, il tomba en avril 1918 ; je penserai aux absents de nos tables – et à notre devoir de mémoire à l’égard de ces oubliés – tel Eugène Hublet, co-auteur de la revue En route, mauvaise troupe, dont il va être question au parloir, soldat de 1ère classe mortellement blessé en octobre 1916.

Auréolé, méconnu ou oublié, ils avaient une vingtaine d’année.

Cent ans après, eux et leurs camarades méritent notre respect et qu’on ne les oublie pas!