jeudi, 28 novembre 1918

Sur le seuil de la maison en paix

Depuis quatre ans, les soldats s’étaient installés dans la guerre. Celle-ci imposait son rythme, ses règles… décervelait pour reprendre le mot de Jacques Vaché. Les risques du présent interdisaient de construire un futur très incertain. L’armistice redonne un avenir à la génération des tranchées.

 

Les plus jeunes, comme Jacques Vaché, l’abordent avec optimisme :

« Je ne prends nullement en ironie l’après-guerre, crois le bien – et je réalise très bien que l’argent, actuellement, est une denrée plus que jamais indispensable – Toutefois il me semble qu’un homme jeune, sortant de la guerre assez résolu, devra trouver un emploi à son activité… Ma connaissance de la langue anglaise, ainsi que les relations très diverses que j’ai eu l’occasion de me faire aideront, j’espère, à mes débuts dans un monde assez difficile… Et, sans me dissimuler bien des difficultés à venir, et bien des à-coups, je ne peux m’empêcher d’avoir une certaine confiance – indispensable d’ailleurs – en moi-même alors que je connais des hommes de mon âge, démobilisés, sans plus de ressources que moi, et qui ont réussi à gagner leur vie assez bien ». (Lettre à son père)

 

Les soldats les plus âgés, nuques plus raides, sont saisis par le doute sur le seuil de la maison en paix. Le général Guillaumat écrit à son épouse le 9 décembre : « C’est étrange, cette anxiété qu’on sent chez tous à la pensée de reprendre une vie avec laquelle on a rompu depuis tant de mois ».

 

Certains sombrent dans le pessimisme. Alphonse de Châteaubriant, toujours hospitalisé suite à une dépression nerveuse, écrit à son épouse ce 28 novembre qu’il souhaite la mise en place d’une Europe unie, mais il termine ainsi : « Tout prépare la guerre. Dans vingt ans nous aurons la guerre. »