lundi, 24 juillet 1916

« S’ils marchent pieds nus c’est qu’ils le veulent bien »

On se souvient (chronique d’hier) que les Grecs et Arméniens d’Asie-Mineure réfugiés à Nantes, sur le Cours Saint-Pierre, provoquaient, chez les écoliers de la rue du Moulin, une réelle compassion.

 

 

Ce sont d’autres sentiments qu’éprouve le journaliste du Populaire de ce jour devant cette « caravane étrangère à notre cité ».

 

« Le tableau ne manquait pas d’un certain pittoresque ; avec un peu d’observation on dégageait assez vite le voile peu engageant des misères qui enlevait aux femmes toute grâce et toute beauté, aux hommes les caractéristiques toujours curieuses du type oriental. Et en considérant ces Grecs à la démarche nonchalante, ces Arméniens chaussés de babouches et allant chercher l’eau dans les amphores apportées de là-bas, j’avais comme une évocation biblique. 

 

Nos concitoyens ont sans doute vu un certain nombre de ces nouveaux venus solliciter l’aumône dans les rues, spectacle peu réjouissant d’ailleurs. Il est bon de prévenir nos lecteurs…

Tous ces Orientaux ne sont pas misérables… Ils ont apporté avec eux des quantités de ballots, rien ne leur manque ; ils sont nourris et logés gratuitement et beaucoup d’entre eux travaillent déjà… Donc, s’ils ont un aspect minable, s’ils marchent pieds nus et tendent la main, c’est qu’ils le veulent bien et qu’ils transplantent ici une vieille coutume très en honneur en Orient. Il ne faut pas oublier que les 180 chefs de famille environ et les 200 femmes et jeunes gens qui vont travailler, seront bien payés, suivant les services qu’ils rendront, et que leurs familles seront à l’abri de tout besoin. 

 

Il est certain que dans notre France nous savons accueillir à bras ouverts toutes les infortunes… ».

 

 

Mais leur tendre la main !