vendredi, 4 août 1916

Nantes-Plage

« Après les chaudes journées que nous avons … à l’heure où les premières fraîcheurs des soirées remplacent et font oublier la température accablante, allez à Nantes-plage.

 Nantes-Plage est un lieu délicieux, un coin de villégiature crépusculaire, d’accès facile, frais, agréable…

Du sable – un peu gros, mais du sable tout de même – où les enfants font des trous ou dont ils font des pâtés ; une grève de galets, serrés les uns contre les autres et ressemblant à s’y méprendre, à des pavés ; une onde limpide – ou presque – qui vient s’allonger doucement sur les galets, ou s’y heurter dans un joli clapotis, ou bien, soulevée par une hélice voisine, déferler en vagues successives, comme l’Océan.

Nantes-Plage est très fréquentée. A partir de huit heures du soir, les familles s’y réunissent, s’y reconnaissent, y parlent des événements du jour, de la bataille de la Somme, de l’avance des Russes, de notre réaction à Verdun, de ces canailles de Boches qui assassinent les gens de cœur qui se défendent et forcent à travailler pour eux des Français qu’ils ont assaillis sans motifs.

Le mari s’étend mollement sur le sable, fume, lit, ou bien pêche à la ligne, de menus poissons. La femme coud, ou brode… Les enfants ont quitté leurs bas ; ils patouillent en bandes…

Nantes-Plage n’a pas de bancs. A quoi bon ! Ceux qui veulent s’asseoir apportent leur pliant.

Mais elle a un remblai – que dis-je ? – une rotonde, avec garde fou et double escalier, d’où les flâneurs viennent contempler le spectacle reposant de ces gens paisibles, simples, sans ambition ni envie, qui viennent oublier là, en deux heures d’ébats en plein air – sinon en pleine eau – les tracas de la vie et les fatigues de la canicule.

Vous ai-je dit où est Nantes-Plage ? Non ! Et bien, allez derrière le marché de la Petite Hollande ; vous l’y découvrirez comme je l’ai découverte moi-même. Je vous assure que c’est très original, très intéressant. Et l’on n’a pas besoin, pour s’y rendre, de s’entasser, de suer, de geindre, dans un train… de plaisir ! »   (E. Doceul, Le Phare)