jeudi, 24 février 1916

Mentir pour Verdun

Après un long silence, les autorités militaires lèvent enfin le voile sur l’offensive allemande lancée depuis 3 jours dans le secteur de Verdun, mais se gardent bien de donner des informations précises car les nouvelles ne sont pas bonnes.

 

L’ennemi qui a progressé de plusieurs kilomètres prend le fort de Douaumont le 25.

 

Les éditorialistes nantais minorent le revers :

 

« Nous n’avons pas à être impressionnés de quelques incidents de la lutte et de l’occupation par l’ennemi à certains instants de quelques éléments de tranchées. Cela ne représente pas un gain qui compte, et il faudrait un grand nombre de succès de cette sorte pour approcher des murs de Verdun. » (Gaston Veil, Le Populaire, 24 février)

 

Dans Le Phare, Maurice Schwob n’aborde la question de Verdun que le lendemain, et dans une partie seulement de son éditorial. Il rejoint Gaston Veil pour dire que Verdun n’est pas un endroit stratégique : « L’Allemagne, à court d’hommes, ne peut plus se permettre ces feintes ruineuses : c’est un coup droit qu’elle tente, mais il ne vise même pas un défaut de la cuirasse. S’il nous frappe, il n’atteindrait pas une partie vitale. »

 

Gaston Veil parle aussi d’une victoire à la Pyrrhus : « Que signifie une avance de quelques centaines de mètres quand elle est payée par la mort de plusieurs milliers de soldats ? » et d’épiloguer sur les énormes pertes humaines d’une Allemagne où les hommes se font de plus en plus rares. « Rappelons-nous de Pyrrhus qui fut vaincu par les Romains à la suite de ses victoires trop coûteuses. »

 

A la différence du fort de Douaumont, le mensonge patriotique se porte toujours bien.