mardi, 4 juillet 1916

Les sommations du Phare

Dans Le Populaire, Gaston Veil crie son optimisme : « La confiance règne partout. Dans la rue les gens s’abordent tous avec ces mots : « Ca va bien ! On marche ! »

 

Le ton de Maurice Schwob, dans Le Phare, où il consacre son premier éditorial à l’offensive de la Somme, est très différent : « Nous n’en sommes pas encore à la guerre de mouvement… Et n’allez pas croire que cela arrivera en un jour ni une semaine. Attendez-vous à des joies, à des angoisses, à des reprises sauvages de l’ennemi… ».

Alors il en appelle à l’Union sacrée et dénonce ses collègues qui osent mettre en doute les choix du gouvernement et du commandement militaire : «  J’ouvre L’Humanité et j’y trouve l’évangile d’une religion nouvelle : le sacré cœur de Jaurès… J’ai peine à oublier ses folles illusions pacifistes… et le verbiage qui grisa son auteur lui-même… De ces songes creux, nous avons failli mourir… ».

Il s’en prend ensuite à L’homme enchaîné de Clemenceau : « En ces jours où chacun de nous prie à sa manière pour le salut de la nation, le Tigre en est resté à sa prière, la seule qui lui vienne aux lèvres et à l’esprit ; je ne parle pas du cœur : – Mon Dieu ! donnez-moi mon Briand quotidien ! » Et après avoir mis son ennemi en accusation, il dissimule, avec l’allure cauteleuse d’un félin rampant dans les grandes herbes, une attaque contre le commandement ».

 

Il n’y a pas que sur le front que l’on s’étripe. Les gens de plume le font aussi à leur façon, moins dangereuse. A propos de plumes, c’est demain que sort (après un petit barbotage dans la mare, en septembre 1915) le premier numéro du « Canard enchaîné ».