lundi, 13 mars 1916

Les héros de Verdun

En pleine bataille de Verdun, dans L’Homme enchaîné, Clemenceau reprend le vieux thème de la barbarie allemande, largement exploité par la presse en 1914 et 1915, après les atrocités que les troupes ennemies avaient commises dans les premières semaines de la guerre.

Il y rajoute un autre thème de la propagande, qui consiste à faire des soldats allemands des « automates » et en profite pour dresser, en contrepoint, le portrait mythique du héros de Verdun :

 

« Ces machines humaines ne conçoivent même pas qu’un autre emploi eût pu s’offrir à leur activité. Machine à tuer, il leur est impossible de voir au-delà de la tuerie. Des atrocités qui ont à jamais déshonoré le nom de ces tueurs dans le monde, il est probable qu’à ce moment terrible le souvenir leur est étranger. Ce n’est pas leur affaire de sentir, de penser. Ils vont d’une offensive implacable de passivité mouvante, confiants dans une puissance providentielle de meurtre, sans cette flamme de noblesse au cœur, sans cette lumière d’invincible espérance, sans cette ardente volonté au-delà de la mort qui donnent à nos soldats une vie d’humanité supérieure à la mort elle-même, parce qu’il se transmet d’homme à homme un flambeau de survie que la pire tourmente, toujours sur le point de l’éteindre, ne fait qu’alimenter. »

 

Loin de ce lyrisme, Maurice Digo propose une explication, plus prosaïque, à l’ardeur du poilu :

« Les discussions recommencent. On a vu des filles, on se sent prêt à « remettre ça » pour un bout de galon, une petite décoration. Hier, on avait une mentalité de bétail dégouté de l’abattoir, aujourd’hui, on pense qu’une tenue de fantaisie ne fait pas de mal et que le titre de HEROS chatouille assez agréablement l’amour propre.

Patience, la guerre n’est pas près de finir. » (Carnets, 17 mars 1916)