mardi, 7 janvier 1919

« Les fumeurs d’opium – Deux morts »

Les journaux nantais dans leur édition du 7 janvier (Le Phare) et du 8 janvier (Le Populaire) rendent compte des circonstances de la mort de Jacques Vaché et de son compagnon Paul Bonnet, sans les citer.

 

 

Voici le récit du Phare intitulé : « Les fumeurs d’opium – Deux morts » :

 

« Dans l’après-midi de lundi, on a découvert, dans une chambre de l’Hôtel de France à Nantes, les cadavres de deux jeunes gens de très honorables familles. Ils avaient succombé après avoir absorbé de l’opium et fumé en grande quantité de cette funeste drogue.

Voici dans quelles conditions cette double mort a été découverte :

Depuis une quinzaine de jours, logeait à l’Hôtel de France un jeune homme nommé B… dont le père est commerçant à Nantes. Il occupait au 2e étage, au numéro 34, une assez vaste chambre. Vers 16 heures, un militaire de l’armée américaine, G… V… se présentait au bureau de l’Hôtel et faisait connaître à la caissière que dans la chambre n° 34 deux jeunes gens étaient au plus mal.

Aussitôt, le personnel de l’hôtel se rendit à la chambre indiquée. Sur le lit, complètement nus, gisaient deux jeunes gens.

L’un ne donnait plus signe de vie ; l’autre respirait faiblement.

Quelques minutes plus tard, se présentaient à l’hôtel, mandés en toute hâte, un médecin, M. de la Rochefordière, et le commissaire de police du canton.

Le médecin, après avoir constaté la mort d’un des jeunes gens, essaya sur celui qui respirait encore les soins habituels en pareille occurrence. Rien n’y fît, et quelques minutes plus tard il enregistrait un second décès.

De son côté, le commissaire de police commençait son enquête. Sur une table, il trouva, ouvert, un petit sac à main en cuir jaune contenant un pot d’assez vastes dimensions, dans lequel il y avait de l’opium. Dans ce pot, une pipe qui indiquait qu’on avait fumé de la drogue en abondance.

Partout, enfin, sur des tables, des bouts de cigarettes, enduits d’opium.

Nous avons dit que les deux jeunes gens étaient complètement déshabillés. Leurs vêtements étaient pendus à des porte-manteaux. Le commissaire y trouva la trace de leur identité, et apprit, ainsi que nous l’avons dit plus haut, que l’un d’eux était le fils de M. B…. commerçant. L’autre, un nommé V…, fils d’un officier supérieur de l’armée française en retraite. Tous deux mobilisés. Il prévint aussitôt la Place qui, dans la soirée, fit transporter les corps à Broussais.

Dans la matinée, était remonté le militaire de l’armée américaine qui avait prévenu le personnel de l’Hôtel de France. Le commissaire l’interrogea, et les intéressants renseignements qu’il a fournis permettent de lever un coin du voile du mystère qui entoure cette double mort.

Dans l’après-midi, ce militaire rencontrait en ville B… et V… ; en leur compagnie, il passait la soirée au spectacle. A eux, s’étaient joints un lieutenant de l’armée française et quelques autres Américains.

Le spectacle terminé, tous rentrèrent chez B…, à l’Hôtel de France, où une partie de la nuit se passa à fumer de l’opium.

Au matin, le lieutenant s’en alla ; il fut suivi de deux autres Américains. Seuls restèrent dans la chambre B…, V… et ce dernier Américain. Le trio continua à fumer.

Dans l’après-midi, dégrisé, notre Américain s’aperçut soudain du grave état dans lequel étaient ses camarades. C’est alors qu’il descendit au bureau de l’hôtel.

Reste à trouver maintenant le lieutenant qui fut le compagnon des deux victimes et les autres Américains. Ils ne sauraient tarder à l’être ».

 

Le Populaire, sous le titre : « Un drame de l’opium – Deux jeunes gens sont trouvés morts dans une chambre d’hôtel » présente une relation des faits très proche de celle du Phare, mais précise, en fin d’article : « Un point important à élucider. Pouvait-il y avoir un suicide ? Nullement, car W… [l’Américain] a déclaré qu’à aucun moment les deux jeunes gens n’ont manifesté pareil sentiment. Ils étaient venus là pour se livrer à l’opium et voilà tout.

C’est donc bien une double mort accidentelle, due à un usage immodéré du dangereux stupéfiant.

L’enquête se poursuit … »