mardi, 8 octobre 1918

Les croque-morts sont sur les dents

Le directeur de l’école de garçons de la rue de la Faïencerie écrit dans un rapport :

 

« Depuis plus de six mois, c’est-à-dire depuis le mois d’avril, nombreuses sont les personnes qui, bien que paraissant robustes, ont été enlevées en quelques jours. La Faculté n’a pu encore se prononcer. Tout bas, on parle de la peste, du choléra. Pour n’effrayer personne, et on a raison, les différents certificats des médecins permettant l’inhumation ne font nullement mention de ces deux terribles fléaux. En tout cas, il faut se rendre à l’évidence car le mal fait de nombreux ravages. Dans les journaux, la colonne des décès s’allonge et le public s’inquiète.

Pour tranquilliser la population, certaines sommités médicales déclarent qu’il n’y a aucune épidémie ; pour un peu, elles affirmeraient que l’état sanitaire de la ville n’a jamais été aussi bon.

Malgré les assertions de ces médecins Tant-Mieux, les victimes sont nombreuses, les convois funèbres se succèdent presque sans interruption dans les rues de Nantes ; les croque-morts sont sur les dents ; on a même eu recours à des hommes de troupe pour en remplacer quelques uns.

La panique est partout. Tel qu’on avait vu en florissante santé il y a quelques jours est dans la tombe depuis 24 heures. Tel autre à qui on avait serré la main le matin est décédé le soir même. Pour l’inhumer il a fallu attendre trois ou quatre jours, les menuisiers n’arrivant pas à fournir les cercueils.

C’est la grippe espagnole.

Oh ! la terrible maladie !! Que de malheurs elle a répandus sur son passage ! Que de familles elle a mises dans la plus profonde douleur ! Que d’avenirs elle a brisés ! »