vendredi, 18 juillet 1919

« Les absents »

Sous ce titre, l’ancien ministre Paul Boncour, qui fut capitaine au 81e RIT de Nantes sur le front de Lorraine, signe une tribune dans Le Phare, adressée « A mes camarades du 81e RIT ».

Il y regrette que : « Les régiments qui ont défilé le 14 juillet [à Paris] n’ont pas été les unités constituées, telles qu’elles étaient au jour de la victoire : ceux qui ont marché coude à coude dans la voie triomphale n’ont pas été ceux qui avaient marché ensemble vers la souffrance et vers la mort ». Après avoir expliqué que les démobilisations successives avaient profondément modifié la composition des régiments territoriaux, composés des soldats les plus âgés, il conclut : « Non seulement aucun régiment territorial n’a passé lundi sous l’Arc de Triomphe, mais à l’heure du retour on n’a même pas su faire en sorte que nos villes de province puissent saluer le défilé de leurs régiments d’origine, apportant ainsi à la territoriale un témoignage public de reconnaissance de la Nation tout entière ».

 

Le 20 juillet, le colonel Vignolet, ancien commandant du 81e RIT que les poilus avaient surnommé « Grand-père », renchérissait dans un courrier adressé au Phare :

« Ce n’est pas les quatre ou cinq poilus du dépôt du 65e, camouflés en soldat du 81e, que j’aurais voulu voir accompagner ce drapeau et sa croix de guerre, ce sont ceux qui ont gagné cette croix de guerre en septembre 1915, les vrais pépères du 81e ; ce sont ceux-là qui auraient dû y venir, et, comme le dit l’auteur de l’article du Phare, il aurait suffi de faire appel à la bonne volonté des anciens du 81e pour avoir immédiatement plus de volontaires qu’il ne fallait ».

 

« J’ai beaucoup donné et peu reçu » faisait dire au « Poilu » Georges Ascoli dans son discours lors de la remise des prix au Lycée il y a quelques jours. Les attentes des combattants qui ont beaucoup investi dans le retour à la vie civile se heurtent aux maladresses de la nation qui veut pourtant manifester sa gratitude. Le contentieux entre l’avant et l’arrière du temps de la guerre se poursuit dans un impossible dialogue.

Au centre, moustache blanche, le colonel Vignolet en 1915 avec des officiers nantais du 81e RIT (DR)