dimanche, 9 mai 1915

Le début de la deuxième offensive d’Artois en direct

Le sous-lieutenant d’artillerie, Albert Poumailloux, ancien élève du Grand Lycée, décrit dans son Journal, les premières heures de l’offensive :

 

« 6 heures : c’est un bruit épouvantable, un bourdonnement incessant et un grondement puissant qui ébranle le ciel et la terre. C’est une canonnade furieuse, tonitruante, générale, venant de tous les points de l’horizon ! C’est inimaginable lorsque l’on n’a pas entendu ce ronflement continu et assourdissant : c’étaient, à notre gauche, les Anglais de la Bassée et du Nord qui faisaient cracher toute leur artillerie et c’était surtout toute l’artillerie d’Arras, Sainte-Catherine, Fond-de-Vase, qui ronflait avec le bruit centuplé de cent aéroplanes prenant leur essor…

 

Les quatre pièces de ma batterie claquaient avec un souffle puissant tout près de moi, et au bout de quelques minutes nous étions totalement assourdis… Pendant dix heures consécutives nous avons tiré avec quelques instants de répit, juste le temps de laisser refroidir les canons. Tympans à moitié crevés, cervelle bouleversée, tempes battantes, nous tirions toujours. Nous avons dépassé 1 500 coups par batterie cette journée-là.

 

Nos gains, au moins, ont-ils été en rapport avec nos efforts ? A 9 heures, heure précise de la sortie de nos fantassins des tranchées, nos braves troupiers se sont précipités à l’attaque et ont gravi un glacis sous le feu ennemi, sans un arrêt, sans une hésitation ! Je n’ai pas vu ce spectacle, car j’étais à la batterie. Mais ceux, qui des observatoires, l’ont aperçu, déclarent qu’ils n’avaient jamais vu rien d’aussi beau ! Nouhaud, qui me téléphonait, me disait qu’il avait envie de pleurer et ne put qu’ajouter : « Ah ! les braves gens ! Ah ! les braves gens ! » Et les plus grands espoirs prirent leur essor, dans le cœur de tous nos artilleurs ! Nous allions les enfoncer : déjà, nos fantassins du 114e avaient gagné les premières lignes des tranchées ennemies, et sans pertes ou presque, ils en avaient chassé les Boches, et fait de nos ennemis quantité de prisonniers ! Et nous tirions ! nous tirions ! avec enthousiasme, avec rage ! »