dimanche, 31 décembre 1916

L’année de Verdun ?

Pour les éditorialistes des journaux nantais, c’est l’heure du bilan.

 

Maurice Schwob écrit dans Le Phare :

 

« Mil neuf cent seize ! C’est l’année de Verdun. C’est l’année où un grand peuple monta volontairement au Calvaire du Mort-Homme, résolu à se sacrifier s’il le fallait, pour l’Humanité. Et parce qu’il y a une justice immanente, il se sauva lui-même en sauvant les autres. En se dévouant à la mort, il est ressuscité ».

 

 

La France nation christique ;  Verdun-Golgotha ! Oubliée l’offensive de la Somme, ou réduite, comme dans le discours d’Aristide Briand du 13 décembre, à une « diversion » ! Et pourtant !

Il a fallu les victoires de la fin de l’année pour attirer, à nouveau, l’attention sur Verdun. De la fin février à la fin mars, les journaux s’étaient focalisés sur la bataille qui se déroulait là bas, avant de faire silence, face aux déboires de l’armée française. A l’été, l’offensive de la Somme avait concentré l’attention, jusqu’à faire oublier Verdun, et cela jusqu’à l’automne et la reprise des forts.

Verdun plutôt que la Somme ! Et pourtant, il a été gagné plus de terrain sur le front de la Somme que sur celui de Verdun. Mais Douaumont, Vaux ont frappé l’imaginaire plus que Combles, Longueval ou Thiepval. A Verdun, les Allemands étaient les agresseurs, les Français ont été des défenseurs acharnés ; un mythe s’est créé, ancré sur les forts. Sur la Somme, l’offensive a d’abord été menée par les Britanniques ; les soldats français n’ont pas démérité, mais leur Etat-major n’a pas été à la hauteur : Joffre et Foch le paient d’un limogeage, en douceur. Pas de quoi pavoiser.

 

Pour les éditorialistes nantais ce sont donc les poilus français, à Verdun, qui ont sauvé l’humanité : « Voilà pourquoi l’humanité, recréée, fêtera avec autant de recueillement religieux l’année de Verdun que l’année du Golgotha ».

 

Si « La Somme » n’est pas devenue un mythe structurant du récit national français, les Britanniques eux, l’ont adoptée pour tel. Aujourd’hui, chaque année, en juillet, ils commémorent la Grande Guerre à travers «  La Somme » : ses batailles, ses cimetières, ses monuments commémoratifs témoins de la construction de l’identité de beaucoup de nations (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada), ses parcours du souvenir ponctués de coquelicots.

 

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