lundi, 5 octobre 1914

La course à la mer

Le général Guillaumat, bloqué depuis la mi-septembre avec sa division en Champagne, écrit à son épouse le 5 octobre :

« Voilà 22 jours que nous sommes sur la Tourbe. Nous continuons à piétiner sur la défensive mais nous trouvons un peu extraordinaire que sur un front aussi étendu il n’y ait pas sur un point quelconque un événement un peu décisif. On cherche semble-t-il cette décision vers le Nord, mais le Nord semble reculer au fur et à mesure que l’on s’avance vers lui. »

 

Ce à quoi fait allusion Guillaumat dans sa dernière phrase (ce Nord qui recule), c’est « La course à la mer ». Immobilisés, face à face, au Centre et à l’Est, les deux adversaires tentent de se déborder par l’Ouest afin de conduire une guerre traditionnelle et d’éviter l’enlisement dans un front continu.

Un million d’hommes dans chaque camp sont transportés, en deux mois, depuis l’Est vers le Nord. Ils sont jetés dans des batailles acharnées dont la première « bataille de la Somme » en septembre 1914, la « bataille d’Ypres » (Belgique) en octobre-novembre, la première « bataille d’Artois » en novembre. La « course à la mer » s’arrête le 17 novembre. Le front, long de 700 km de la mer du Nord à la frontière suisse ne bougera plus avant 1918. Chacun s’enterre dans des tranchées. La guerre de mouvement est terminée.

 

Pendant les premiers jours d’octobre, rien dans les titres des journaux ou les communiqués officiels ne laisse deviner cette « course à la mer ». Alors on justifie l’immobilisme du front par la volonté d’user l’adversaire avant de lancer, plus tard, l’assaut victorieux.

 

Le 5 octobre Le Populaire titre « L’usure des armées allemandes » et le 8 octobre « Quoi qu’ils fassent nous les userons ». Ce n’est que le 11 octobre que Gaston Veil, dans son éditorial du Populaire, révèle enfin et explique la « course à la mer » :

« Pourquoi ce changement de front ? Il est dû au mouvement de nos troupes sur le flanc droit de l’armée allemande. Au lieu de nous obstiner à déloger celle-ci de ses terriers de l’Aisne, nous avons préféré la tourner en l’attaquant à droite sur un terrain où elle ne trouverait pas de fortifications naturelles. Nos opérations sont faciles à suivre. Depuis l’Oise jusqu’à Lille nous poussons les Allemands pour les rejeter sur le Nord, et eux, pour résister à cette pression et pour ne pas être débordés, ont été obligés de développer un front comme on n’en a jamais vu… Si un trou se produit, nous en profiterons aussitôt pour couper les lignes allemandes… »

 

Le Populaire du 8 octobre 1914

Le Populaire du 8 octobre 1914