dimanche, 14 novembre 1915

Debout l’armée de l’épargne

A la Chambre, les députés débattent du lancement d’un emprunt dit « de la Défense nationale ».

 

Dans son éditorial du Populaire, Gaston Veil revient sur le débat en s’attardant sur ce passage du discours du ministre des Finances, M. Ribot :

« Qu’elle se lève, l’armée de l’épargne française ! Comme celle qui est au front, elle constitue l’armée de la France. Saluons-la, messieurs, elle nous aidera à combattre et à vaincre. »

 

Georges Clemenceau, dans L’Homme enchaîné, réagit aussi à cette intervention et, tout en incitant les Français à souscrire, dresse un portrait mythique du poilu promis à un bel avenir, même si la réalité est bien différente :

« Eh bien, ce jour-là (de la victoire) Français qui voulez le voir, il faut le mériter. Il faut le payer de son prix, l’acheter. En ce moment, ils payent sans compter, ces hommes pâles, couverts de boue, sous le casque bleu symbolique qui leur met au visage comme une réduction de la grande voûte d’azur. Ils payent sans compter, toujours gais, toujours fiers, toujours parés de cet inexprimable sourire de confiance, signe éternel des âmes qui ne peuvent pas fléchir.

J’en ai vu tout couverts de bandages sanglants, entassés je ne sais comment en des tracteurs qui les amenaient du champ de bataille, lancer de légers traits de gaieté tranquille aux infirmiers qui s’efforçaient de les extraire d’un affreux enchevêtrement de blessures avec des précautions de vieilles mamans. Ils riaient, oui, ils riaient, vous dis-je…

Voilà nos Français, nos soldats, nos frères, nos enfants, devant qui, dès qu’on s’aborde d’homme à homme, le Boche agenouillé lève les mains en demandant pardon…

Eh bien, je vous le répète, il faut payer pour cela. »