L’année 1917 … Georges Clemenceau à la veille de devenir « Le Père la Victoire »

 En cette année 1917, voilà plus de trois ans que le monde est en guerre.

 

En mars, en Russie, les émeutes de la faim, ont débouché sur une révolution, la chute du Tsar et la désorganisation de l’armée russe. Le gouvernement provisoire issu de cette première révolution est renversé en novembre par les Bolcheviks qui eux veulent la paix. D’ailleurs Lénine va signer en décembre l’armistice de Brest-Litovsk, puis en mars 1918 le traité de paix qui permettra à l’Allemagne de se désengager du front oriental.

 

Un allié s’en est allé, mais un autre est arrivé. La guerre sous-marine à outrance, lancée par l’Allemagne, paralysait le commerce entre les USA et l’Europe. Le 2 avril 1917, le président américain Wilson déclara la guerre à l’Allemagne. Le 26 juin, les premières troupes américaines débarquaient à Saint-Nazaire.

 

Mais, pour le lycée de Nantes, la guerre est encore d’abord une guerre de tranchées et d’offensives meurtrières qui voient tomber, rien qu’en 1917, 36 de ses anciens élèves. Les assauts voulus par le général Nivelle, nouveau commandant en chef, principalement sur le front de l’Aisne avec des diversions en Artois et en Champagne, ont été des échecs. Nombre de nos anciens élèves sont tombés comme tant d’autres au Chemin des Dames et à Craonne. L’échec de ces offensives a provoqué des mutineries parmi les troupes, tandis que les permissionnaires refusaient de retourner au front et propageaient des idées révolutionnaires influencées par la Russie.

La France se mettait à douter.

 

Le Nantais Aristide Briand n’était plus président du conseil depuis le 17 mars 1917.

Le 16 novembre, le président de la République charge un autre ancien élève du lycée, à savoir Georges Clemenceau, de former un gouvernement.

Le général d’armée Guillaumat, ancien élève et alors commandant de la 2ème armée sur le front de Verdun, écrit à son épouse : « Nous voici entre les pattes du Tigre et j’ai chargé la tigresse [il veut parler d’une fille de Clemenceau, infirmière sous ses ordres] de lui transmettre mes félicitations. Qu’en sortira-t-il ?… Aura-t-on un peu d’énergie ? C’est raide d’aller la chercher chez un vieillard de 76 ans, mais où sont les jeunes, et que font-ils ? »

Un autre ancien élève, le général Buat, alors commandement de la réserve générale d’artillerie, note dans son Journal : « Le ministère Clemenceau est constitué. Il n’apparaît pas comme un cabinet de très brillante composition, mais cela importe peu ; c’est la tête seule qui compte ».

 

Le 20 novembre 1917, Clemenceau présente son gouvernement à la Chambre des Députés et prononce sa « déclaration ministérielle » que l’on peut résumer ainsi : tout doit être subordonné aux nécessités de la guerre pour la victoire finale.

Ecoutons Clemenceau :

« Nous nous présentons devant vous dans l’unique pensée d’une guerre intégrale… Droit du front et devoirs de l’arrière, qu’aujourd’hui tout soit donc confondu. Que toute zone soit de l’armée… Ces silencieux soldats de l’usine, sourds aux suggestions mauvaises, ces vieux paysans courbés sur leurs terres, ces robustes femmes au labour, ces enfants qui leur apportent l’aide d’une faiblesse grave : voilà de nos poilus. (Applaudissements) De nos poilus qui, plus tard, songeant à la grande œuvre pourront dire, comme ceux des tranchées : « J’en étais ».

Clemenceau annonce des temps difficiles :

 «  Nous allons entrer dans la voie des restrictions alimentaires, à la suite de l’Angleterre, de l’Italie, de l’Amérique elle-même, admirable d’élan. Nous demanderons à chaque citoyen de prendre toute sa part de la défense commune, de donner plus et de consentir à recevoir moins. L’abnégation est aux armées, que l’abnégation soit dans tout le pays ».

 

Cette courte relation de l’année 1917 est rédigée à partir des chroniques et des analyses de notre ami l’historien Jean Bourgeon, que vous pouvez trouver sur le site du Comité de l’Histoire du Lycée Clemenceau, dédié au lycée de Nantes de 1913 à 1919.

 

Vous y trouverez alors la réaction du général Guillaumat à la déclaration ministérielle de Clemenceau.

Guillaumat écrit à son épouse :

« Quelle admirable page que cette déclaration de Clemenceau ! Evidemment ce sont des paroles, mais on sent là un cœur de Français et aussi une maîtrise et une possession de nos traditions, de notre cerveau et de notre langue, si belle et si claire lorsqu’en quatre mots elle dit tout : « droits du front et devoirs de l’arrière » (…) Cet homme, poursuit Guillaumat, rend fier d’être homme et d’être Français, par l’étendue de son intelligence et de sa culture. Aura-t-il aussi l’énergie morale ? Et l’entourage reste si suspect ».

 

Clemenceau, Briand, Guillaumat, Buat et les autres, moins célèbres, ces quelques 300 anciens élèves du lycée de Nantes morts, comme on dit, pour la France, entre 1914 et 1919, méritent que chaque année on se souvienne et que l’an prochain, les successeurs que nous sommes du lycée de Nantes de l’époque marquent solennellement l’armistice du 11 novembre 1918 et célèbrent au début 2019, au mieux à savoir intelligemment, le centième anniversaire du nom Clemenceau donné à notre établissement.

 

 

Jean-Louis Liters,

président du Comité de l’Histoire

du lycée Clemenceau de Nantes.

Allocution prononcée le vendredi 10 novembre 2017

dans la cour d’honneur du lycée Clemenceau