Il y a cent ans, en 1916, des élèves du lycée Clemenceau engagés dans la guerre

Allocution de Jean-Louis Liters,

président du Comité de l’Histoire du Lycée Clemenceau,

prononcée dans la cour d’honneur

auprès de la stèle Clemenceau

le 10 novembre 2016

 

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Le Comité de l’histoire du Lycée Clemenceau continue, année après année, son exploration de la Grande Guerre, sur son site « Nos Ans Criés », via la construction de son mémorial et via les chroniques de l’historien Jean Bourgeon.

 

Ainsi, sachez qu’il y a cent ans, en 1916, le président du conseil et ministre des affaires étrangères est un ancien élève du lycée, il s’agit du futur prix Nobel de la Paix, Aristide Briand.

 

 

 

 

Photo Michelle Bessaud

 

Et, cette année là, un autre ancien élève, le général Guillaumat, à la tête du 1er corps d’armée, dirige une partie des troupes françaises lors des batailles de Verdun et de la Somme.

 

Durant ces deux sanglants affrontements de 1916, le lycée de Nantes perd au moins 33 anciens élèves, 14 sur la Somme et 19 à Verdun, aux forts de Vaux et de Douaumont, et en des lieux aux noms sinistres : le Bois des corbeaux, et, près de la cote 304, Mort-Homme.

 

Lors de la distribution des prix de juillet 1916, le proviseur de l’époque, Jean Barou, aurait voulu donner la liste des anciens élèves du lycée morts au champ d’honneur, mais cela lui fut interdit, afin de ne pas démoraliser les populations. Nous savons aujourd’hui que le nombre des élèves du lycée morts au combat s’élève déjà, pour les années 1914, 1915 et 1916, à 161 disparus.

 

161 retenus, mais sans doute beaucoup d’autres oubliés dont les noms ne figurent pas sur les tables du parloir du lycée, tel ce jeune homme de Cholet, Eugène Hublet, tué sur le front de Somme le 27 octobre 1916.

 

Hublet, apprenti comédien à Nantes au théâtre de la Renaissance, était l’un des membres du groupe des Sârs qui s’illustra au travers d’une revue, intitulée En route mauvaise troupe, qui fit scandale et vit s’opposer des élèves en février 1913 dans cette cour d’honneur du lycée.

 

Scandale notamment en raison d’un article titré L’Anarchie .

 

Trois ans ont passé depuis 1913. Eugène Hublet et Pierre Riveau, le signataire de L’Anarchie, sont soldats. Le 15 octobre 1916, douze jours avant d’être tué au combat, Hublet écrit à son ami Riveau.

 

De retour d’une courte permission, il dit toute son amertume :

 

« J’ai rapporté de mon court séjour à l’intérieur un pessimisme amer, un dégoût profond des hommes et des choses – de la comédie sociale, et de ceux qui nous la jouent ; de cette comédie dont nous sommes les dupes et les victimes. Toutes les idées faisant faillite, au milieu de l’affreux chaos de ce monde en folie, je tâche à trouver la sérénité dans une résignation morne, dans une manière de fatalisme obscur qui soit en même temps un anesthésiant et un viatique. Et si je n’y parviens pas toujours, c’est tant pis pour moi. »

 

Empruntons, pour terminer, à un autre membre du Groupe des Sârs, Jacques Vaché, lui aussi sur la Somme en la fin de l’été 1916, ces lignes sur ce qu’il a vu depuis deux ans et qu’il voudrait croire être le fruit d’un rêve :

 

« Des casernes – des grandes cours carrées où sonne le clairon – Des trains – wagons à bestiaux – poussière – des tranchées – des trous, des bosses – des mouches – du bruit – des odeurs horribles des trous encore – des fils de fer – de la terre dans le cou – Une énorme chaleur qui tombe d’aplomb sur le crâne – Des nuits prodigieuses – pleines de fusées et d’étoiles, ponctuées d’éclatements divers – grouillantes d’ombres suspectes et de rats familiers mangeurs de cadavres – Du bruit encore, des explosions stupéfiantes, des hurlements ignobles – un lit (un lit !) – et puis la vie de bohème – le front encore des commandements à la prussienne… – Quel rêve curieux – ? n’est-ce pas ? »

 

Sachez que le lycée Guist’hau et notamment ses prépas littéraires commémorent cette année le centenaire de la rencontre à Nantes, rue du Boccage, de Jacques Vaché et du poète André Breton.

 

Sachez enfin qu’au printemps prochain, une exposition consacrée au Groupe des Sârs se tiendra à Nantes, au Château des ducs, à l’initiative du Musée de Nantes et de la Bibliothèque municipale.

 

Cette exposition est justement intitulée « Cendres de nos rêves ».