« Pour la période d’août 1914 à octobre 1915, nous avons pu dénombrer sur « Nos Ans Criés » déjà 113 anciens élèves morts au combat. En octobre 1915, une dizaine d’anciens élèves sont mortellement tombés lors de la campagne de la Marne, notamment aux combats de Tahure et de Mesnil-les-Hurlus. D’autres sont tombés en Artois, tel Albert Poumailloux évoqué par Jean Bourgeon.
L’histoire ne nous dit pas si ces braves avaient entonné quelques mois plus tôt Le Chant du départ … »
(Extrait de l’intervention de Jean-Louis Liters au lycée le 10 novembre 2015)
« J’ai vu des horizons couverts de feu ; entendu les plus formidables roulements de tonnerre que Vulcain fit jamais sortir de ses forges… J’ai respiré des gaz asphyxiants, larmoyants, « vomifiants », empoisonnants, tonitruants et puants. J’ai cru en « claquer », mais ce ne fut qu’une impression et une douleur vive des yeux et des poumons, malgré les masques. Nos canons ont continué à être servis dans cet enfer et nous avons tué des Teutons ! nous en avons tué ! nous en avons tué ! et nous sommes heureux et nous jouissons ! Voyez la déformation à laquelle on arrive ; que voulez-vous ? J’ai vu de telles horreurs dans les tranchées conquises : des sacs à terre bouleversés, des talus effondrés sous la pluie effroyable des énormes et monstrueuses marmites, des abris déchiquetés, des poutrelles de bois et de fer grosses comme vous et moi, tordues, des effondrements de toutes sortes de matériaux et, parmi toutes ces choses, des équipements abandonnés, des fils de fer barbelés hachés, des ustensiles divers, des membres épars, des jambes dans des bottes, des cadavres jeunes ou vieux, ceux que l’on n’a pas encore enterrés, les uns verts, décomposés, les autres momifiés ou liquéfiés ! et l’on se dit : « Cela a été un homme ! »
C’est affreux ! mais ça n’empêche pas que l’on a du courage allez ! et bon espoir ! et de l’entrain ! Et justement cela nous donne davantage le désir de nous venger ! On reprendra après la guerre la mentalité d’avant ! Je l’espère du moins ! »
(Extrait de la lettre du 11 octobre 1915 du sous-lieutenant Albert Poumailloux, mortellement touché à son poste de combat le 12 octobre, lettre lue au lycée par Jean Bourgeon le 10 novembre 2015)
« Le trait le plus frappant de cette monstrueuse épopée, le fait sans précédent est, dans chacune des nations en guerre, l’unanimité pour la guerre. C’est comme une contagion de fureur meurtrière qui, venue de Tokyo il y a dix années, ainsi qu’une grande vague, se propage et parcourt tout le corps de la terre. À cette épidémie, pas un n’a résisté. Plus une pensée libre qui ait réussi à se tenir hors d’atteinte du fléau. Il semble que sur cette mêlée des peuples, où, quelle qu’en soit l’issue, l’Europe sera mutilée, plane une sorte d’ironie démoniaque. Ce ne sont pas seulement les passions de races, qui lancent aveuglément les millions d’hommes les uns contre les autres, comme des fourmilières, et dont les pays neutres eux-mêmes ressentent le frisson ; c’est la raison, la foi, la poésie, la science, toutes les forces de l’esprit qui sont enrégimentées, et se mettent dans chaque État, à la suite des armées. Dans l’élite de chaque pays, pas un qui ne proclame et ne soit convaincu que la cause de son peuple est la cause de Dieu, la cause de la liberté et du progrès humain. »
(Extrait de l’article de Romain Rolland, intitulé « Au-dessus de la mêlée », publié le 15 septembre 1914, dans le Journal de Genève, article lu au lycée par Luka De Silva le 10 novembre 2015)